Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en le priant de venir prendre du thé chez elle.

J’étois trop malade pour sortir ; et je lui répondis en quelques lignes, que je désirois également de faire connoissance avec une personne dont le cœur et l’esprit sembloient tellement sympathiser avec les sentimens sur lesquels elle me complimentait, et que je lui demandois l’honneur d’une visite ce soir même.

Elle accepta mon invitation, et vint en conséquence. Elle me visita tout le temps que je restai confiné dans ma chambre ; et je lui rendis cette politesse aussitôt que je pus sortir.

C’était une femme de bon sens, vertueuse, peu animée, mais douée de cette charmante et constante sorte de gaieté qui dérive naturellement de la bonté, mens conscia recti. Elle étoit extrêmement réservée, et ne parloit que lorsqu’on l’interrogeoit. Semblable à un luth, elle possédoit en elle-même tous les pouvoirs passifs de la musique ; mais elle avoit besoin d’une main qui les mît en œuvre.

Elle avoit quitté l’Angleterre bien jeune, avant que ses tendres affections eussent contracté ce cal, occasionné par le frottement du monde. On l’avoit conduite dans l’Inde, où ses sentimens se mûrirent en principes,