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la taxe que j’ai voulu mettre sur la curiosité publique. Cela n’est pas consolant, docteur ; et vous traitez l’écrivain beaucoup plus mal qu’on ne traita jadis le pécheur à qui l’on dit : Vous gagnerez un sou par vos péchés ; et c’est assez. Il est vrai qu’en écrivant, j’ai supposé, comme tous les autres, que mon travail pourroit tourner à mon avantage.

Faites-vous autrement ? mais permettez-moi d’ajouter que j’ai eu d’autres vues. J’ai désiré de rendre le monde meilleur, en livrant au ridicule ce qui m’a paru le mériter, et surtout la suffisance pédantesque. Mon livre dira si je l’ai fait ; et le monde en jugera, pourvu, docteur, que ce ne soit pas ce petit monde de votre connoissance, dont vous appelez pompeusement l’opinion, un modèle à oracles, et qui affirme, dites-vous, que l’on ne peut pas confier mes ouvrages aux mains d’une femme à caractère. Exceptons-en d’abord les veuves, soit parce qu’elles sont moins foibles, soit parce que les ai mises dans mon parti, par quelques bons offices à elles rendus dans mon premier volume. Quant aux femmes mariées, elles ne pourront pas lire mon livre ; le ciel préserve leur chasteté de l’atteinte de Shandy ! Que