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CHAPITRE VII.

Cela est vrai.


Mon père lisoit toutes sortes de livres ; c’est la manie de presque tous ceux qui aiment à lire. En lisant un jour celui de partu difficili, publié par Adrien Smelvogt, et que je ne connois guère, il tomba sur un calcul qui lui frappa l’esprit. — C’est que la tête, tendre, molle, flexible d’un enfant, au moment de l’accouchement, étoit accablée par la violence des efforts de la femme, d’un poids de quatre cent soixante-dix livres, qui agissoit perpendiculairement et sans obstacle. — Les os du crâne n’ayant point encore de consistance assez solide, cédoient à ce fardeau énorme ; et c’est pourquoi de cinquante enfans qui naissoient, il y en avoit quarante-neuf dont la tête comprimée en venant au monde, étoit moulée dans la forme d’un morceau de pâte conique et oblong. — Justes dieux ! s’écrioit mon père, quel changement, ou même quelle destruction cela ne doit-il pas opérer dans la forme délicate de la medulla oblongata du cerveau ! ou si c’est le fluide de Borry, n’y a-t-il pas de quoi troubler la liqueur du monde la plus claire ?