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capricieux ; il avoit tant de vivacité ; il avoit le cœur si gai, si ouvert, qu’on eût dit qu’il étoit né sous le climat le plus favorable. — Mais avec tant de voiles déployées, le bon Yorick ne portoit pas un once de lest. Il n’avoit pas la plus légère connoissance du monde. — Parvenu à ses vingt-six ans, il ne savoit pas plus y faire route, qu’un jeune chevreuil abandonné à lui-même. — Il s’étoit cependant embarqué sur cette mer agitée, et vous vous imaginez, sans doute aisément, que le vent frais de ses esprits ne manquoit pas de le faire donner contre quelque écueil. — Cela lui arrivoit dix fois par jour. — Les personnes graves, ces gens qui marchent à pas lents et mesurés, étoient ceux précisément qui se trouvoient le plus souvent sur son chemin. — C’étoit avec eux qu’il avoit eu le malheur de s’embarrasser. — Peut-être y avoit-il eu cela de sa part quelque petit mêlange de malice. — Je sais qu’Yorick avoit un dégoût, une aversion invincible pour la gravité. — Il ne faut cependant pas s’y méprendre. Ce n’est pas contre la gravité en elle-même qu’il avoit cette antipathie. — Il étoit, quand il le falloit, aussi grave et aussi sérieux qu’un autre, et il l’étoit, au besoin, des jours et des semaines entières ; mais c’étoit l’affec-