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C’est dans cette même maison que, trente-cinq ans plus tard, le 18 septembre 1848, fut apporté, expirant, le prince Félix Lichnowsky, massacré, avec le comte d’Auerswald, par une bande de paysans, dans un tumulte révolutionnaire[1].

Mais je ne savais rien alors, je ne pouvais rien prévoir de ces illustrations historiques de la maison maternelle. Je jouais sous les ombrages du jardin, je m’émerveillais à la vue de ses plantes tropicales et de ses jets d’eau ; ce n’était pas toutefois sans soupirer en songeant combien étaient loin, et combien seraient pour moi plus charmants nos jardins du Mortier dont je n’osais parler à personne : mon allée souterraine, ma volière, nos basses-cours, nos vergers, et jusqu’au chenil de mon père.

Un dimanche du mois de septembre, comme je m’amusais au jardin avec de petites compagnes, nous vîmes venir vers nous, par une longue allée droite, un vieillard auquel toute la famille faisait cortége, et à qui l’on paraissait rendre de grands honneurs. Nous regardions de tous nos yeux : « C’est monsieur de

  1. Le 27 juillet 1863, j’allai voir, au bras d’un étranger, dans cette maison où je suis devenue une étrangère, le masque du prince Lichnowsky, moulé après sa mort. Je l’avais connu plein de vie, au plus éclatant de ses aventures galantes et guerrières. Mon cœur se serra en songeant à la fin que prennent si vite les ambition», les présomptions, les erreurs et les retentissements île la plus brillante jeunesse.