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qu’il était chassé de la maison. Nous vîmes ses élèves consternées. L’une d’entre elles, la plus jolie, pleurait ; on murmurait qu’elle aussi, elle allait être renvoyée chez ses parents. M. Engelmann, très-sombre, lui lançait des regards farouches. Que s’était-il passé ? Quelques-unes de nos compagnes en paraissaient instruites, mais elles se cachaient des autres pour en parler. Ma cousine Cathau, d’un air secret, me disait : « C’est un roman. » — Mais qu’était-ce qu’un roman ?…

Bien qu’excitée à la vanité par tout ce que j’entendais dire à mes compagnes au sujet de ma noblesse et de l’opulence de mes parents, par mes succès aussi dans la classe, par les riches présents, fort au-dessus de mon fige, que me faisaient mon oncle et mon aïeule, je demeurai à la pension Engelmann ce que j’étais chez nous : modeste, et plus embarrassée que flattée de tout ce qui semblait faire de moi un objet d’envie. Je me souviens, par exemple, du vif déplaisir que me causa un présent magnifique de la vieille dame, à l’occasion des fêtes de Noël. C’était, je la vois encore, une pelisse ou simarre en velours cramoisi, bordée de fourrure. Rien de plus éclatant, rien de plus théâtral. Le Pelz rouge, à glands d’or, que portait la mère de Goethe, qu’elle admirait, flottant au vent sur l’épaule de son fils dans les évolutions du patinage, et dont un célèbre artiste de nos jours a voulu perpé-