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et j’essayais obstinément chaque printemps, quoique toujours sans succès, d’élever, aux œufs de fourmis, les couvées de perdreaux apportées à mon père par les faucheurs. Par compensation à la mortalité de mes petits perdreaux, il me venait d’un beau couple de lapins angoras, l’un blanc, l’autre noir, qui multipliaient sans fin, une rapide famille, habillée de toutes les combinaisons imaginables de la couleur pie, et qui me réjouissait, à chaque portée, par des surprises nouvelles. Une chèvre aussi s’était attachée à moi, et, du plus loin qu’elle m’apercevait à travers les grilles, elle poussait un bêlement plaintif et tendre qui m’allait droit au cœur. Deux petits marcassins, pris par le garde comme ils étaient encore à la mamelle, et que notre bergère menait paître avec ses agneaux, m’inspiraient un intérêt sérieux, mélangé, de saison en saison, à mesure qu’ils se faisaient plus différents des moutons, de plus de crainte. Enfin, le dimanche, au sortir de vêpres, lorsqu’il ne pleuvait pas, l’âne du jardinier paraissait devant le perron, bellement harnaché, conduit par Généreuse, sa jeune maîtresse, en cotillon court, jambes nues, sabots en main, pour pouvoir plus librement courir à ma guise, dans le grand bois. Ce grand bois, bien qu’enclos de murs, nous était interdit, je ne sais trop pourquoi, les jours de semaine. Aussi, le dimanche, quelle fête d’y aller, d’arpenter en tous sens l’étoile et les pattes d’oie !