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de lois qui se dérobent encore, qui se déroberont peut-être toujours à nos poursuites[1], et qui, n’ayant de prise et d’effet que sur certaines organisations très-délicates, restent pour le vulgaire un sujet d’étonnement superstitieux, pour les demi-savants, une occasion de dédain et de raillerie[2].

Je reprends mon récit.

Mes parents m’avaient en prédilection. Douée comme je l’étais d’une humeur douce et d’une gentillesse enfantine qui m’attiraient toutes les bienveillances, je ne me rappelle de ces premières années que des images de paix. Jamais un châtiment, aucun reproche. Quelques règles, sans doute, mais souples et sans contrainte. L’amour de mes parents, les caresses des voisins, l’empressement des serviteurs à me complaire, des fleurs et des fruits à profusion, des animaux familiers, de petits amis villageois, le plein air et la pleine liberté dans une riante campagne, tel revit

  1. « On ne connaîtra le travail de la pensée que lorsqu’on connaîtra le rêve, » me disait un jour un homme de beaucoup d’esprit, M. Schérer. Aristote et Spinoza étaient de cette opinion. Ils n’ont pas dédaigné d’observer cet état intermédiaire entre la veille et le sommeil, durant lequel, la conscience n’étant pas encore pleinement éveillée, il se produit des phénomènes très-propres à éclaircir, lorsqu’ils seront mieux étudiés, cette question obscure.
  2. « We may think over the subject again and again, dit Tyndall, it eludes all intellectual representation. We stand at length face to face before the Incomprehensible. »

    (Address delivered at Belfast, 1874.)