vre et les Tuileries. Nous entendions le canon et la fusillade ; l’attaque du Louvre commençait. Les gardes-suisses postés sous la colonnade, aux fenêtres du palais, sous le guichet qui fait face à l’Institut, repoussaient les combattants qui menaçaient de passer le pont des Arts ; on ne me permettait plus d’aller sur la terrasse. Des fenêtres du pavillon de Flore et de la caserne du quai d’Orsay, on tirait contre le pont Royal, où les insurgés essayaient de construire une barricade et de planter leur drapeau.
Des bruits de tous genres et des plus sinistres nous arrivaient d’heure en heure : Marmont trahit ; deux régiments de ligne ont passé à l’insurrection ; un armistice est proclamé, etc. Des fenêtres du second étage, nous voyons un spectacle inouï : le jardin des Tuileries rempli de troupes qui fuient en désordre ; des soldats qui sautent par les croisées du rez-de-chaussée et se précipitent par la grande allée du milieu vers le pont tournant ; des cris, des clameurs, des carreaux brisés avec fracas, des meubles jetés par les croisées, un bruit de mer orageuse ; le drapeau tricolore enfin, hissé sur le pavillon de l’Horloge ; la monarchie en déroute[1] !
- ↑ Dans le Journal d’un poëte, publié en 1867, je lis quelques notes curieuses d’Alfred de Vigny, écrites, comme les miennes, à l’heure même des événements : « Vendredi 30. Pas un prince n’a paru. Les pauvres braves de la garde sont abandonnés sans ordres, sans pain depuis deux jours, traqués partout et se battant toujours. — Ô guerre civile, ces obstinés dévots t’ont amenée ! »