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et la familiarité de Marie-Antoinette. Elle n’y prétendait pas, loin de là. Quelque chose en elle protestait contre ces grâces imprudentes auxquelles certaines gens, parmi les royalistes, imputaient les malheurs de la révolution.

Marie-Thérèse de France, au moment de son mariage — à Mittau, le 10 juin 1799 — avec son cousin germain, Louis Antoine, duc d’Angoulême, avait une noblesse de traits, un éclat de carnation et de chevelure qui rappelait, disait-on, l’éblouissante beauté de sa mère. J’ai porté longtemps en bague une petite miniature qu’elle avait donnée à Hartwell à la vicomtesse d’Agoult ; on l’y voit blonde et blanche, avec des yeux bleus très-doux. Mais, peu à peu, en prenant de lâge, ce qu’elle tenait de son père s’était accentué : la taille épaisse, le nez busqué, la voix rauque, la parole brève , l’abord malgracieux. Dans les adversités d’un destin toujours contraire, sous la perpétuelle menace d’un avenir toujours sombre, dans la prison, dans la proscription, madame Royale s’était cuirassée d’airain. Sa volonté, toujours debout, refoulait incessamment, comme une faiblesse indigne de la fille des rois, la sensibilité naturelle à son âme profonde. Simple et droite courageuse et généreuse comme il a été donné de l’être à peu de femmes ; intrépide dans les résolutions les plus hardies ; ne cherchant, ne voulant, ne connaissant ici-bas que le devoir ;