Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vée au pouvoir, soit que le temps, soit que le goût lui manque, ne forme les siens qu’imparfaitement.

En 1848, vieille noblesse et haute bourgeoisie, surprises par la même tempête, en proie aux mêmes frayeurs, ne prennent plus plaisir à la vie élégante. L’égalité démocratique, proclamée et rétablie, déconcerte et discrédite l’esprit des salons. Quand viendra la troisième révolution, le coup d’État, on s’apercevra soudain que la société d’autrefois, « l’arbitre des élégances », n’existe plus, et que, ni dans les salons ni dans les châteaux, aucune puissance aristocratique n’est plus capable désormais d’arrêter le mouvement nouveau des mœurs.

Ma naissance et mon mariage, mes curiosités et le hasard des choses m’ont fait successivement traverser ou côtoyer ces trois mondes très-divers. J’ai été élevée, j’ai grandi dans le cercle le plus exclusif de la vieille noblesse. J’ai vu la cour de nos anciens rois ; j’ai été admise dans la familiarité de la Dauphine de France. Une des premières, en dépit des rancunes et des dédains qui voulaient encore, dans les commencements du règne de Louis-Philippe, maintenir l’esprit d’exclusion, j’ai ouvert aux idées et aux personnes nouvelles mon cercle, jusque-là strictement fermé.

Lorsque éclata la révolution de février, elle me trouva — je dirai ailleurs par quels brisements — en dehors de ce qu’on appelait encore le monde, éloignée