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princes, et que nousétions allées voir passer, ma mère et moi, d’une fenêtre du palais — je m’étais sentie très-intéressée à sa conversation, bien qu’elle roulât sur la politique, dont je ne savais absolument rien. Lui, de son côté, surpris peut-être d’être écouté de la sorte par de grands beaux yeux, pleins de curiosité et de candeur, m’avait beaucoup regardée.

Se faisant connaître à ma mère pour un ami de l’oncle Bethmann, il lui avait demandé, à ce titre, la permission de se présenter chez elle. Le lendemain il nous faisait sa visite. Invité à la renouveler, à venir dîner chez nous, il ne se fit pas prier, et bientôt, aussi bien à lui qu’à moi, il parut tout simple et comme nécessaire de ne laisser passer, pour nous voir ou nous écrire, aucun de ces mille prétextes que font naître journellement, entre gens de bonne compagnie, les usages et les politesses du monde. Chaque jour j’étais plus charmée de tant de grâce et d’esprit, plus sensible à la beauté morale qui rayonnait si doucement dans toute la personne de cet homme aimable, plus touchée du sentiment qui l’amenait vers moi et qui l’y retenait sans s’exprimer. Chaque jour je prenais plus en dégoût les mariages de convenance. Je ne souffrais plus qu’on m’en parlât. Lorsqu’un jour, mon frère, récemment arrivé de Londres, dit devant moi à ma mère que bien certainement M. de Lagarde ne venait pas ainsi chez nous sans intention, et qu’il fal-