Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne voulant pas toutefois me confier à la garde d’une femme de chambre, elle m’accompagnait dans les églises, assistant, sans en exprimer jamais le moindre ennui, aux offices, aux sermons, à tous les exercices pieux dont mon âme, avide d’émotions, s’était fait un besoin et une habitude. Mais, à la façon dont elle m’en parlait, je voyais bien qu’elle n’y entendait pas grand’chose et qu’elle venait là, comme elle eût été ailleurs, par bienséance maternelle, nullement pour son propre compte.

Ce fut un premier chagrin dans notre vie à deux, un premier refoulement de mon sentiment le plus vif. Bientôt, sur beaucoup d’autres points, en dépit de l’extrême tendresse de ma mère et de sa constante sollicitude pour moi qu’elle chérissait au-dessus de tout, la discordance que la nature avait mise entre nos tempéraments et nos esprits se fit sentir à moi cruellement.

On a vu de quel irrésistible attrait j’avais été portée vers mon père ; chez lui tout me semblait grâce et beauté. Le contraire m’arrivait, à ma douloureuse surprise, avec ma mère, qui ne me plaisait pas. Elle avait dû pourtant être jolie ; une miniature que possède mon frère, et qui fut faite lorsqu’elle pouvait avoir vingt ans, l’atteste. Elle gardait encore de magnifiques cheveux blonds, un bras d’une beauté rare, de petits pieds cambrés, fort peu allemands ; elle avait,