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Montault) était prodigieusement jolie. Petite, avec un juste embonpoint et un éclat de fraîcheur que je n’ai jamais vu qu’à elle, elle avait deux grands yeux noirs bordés de longs cils, un regard et un sourire d’un attrait irrésistible. Ses lèvres de rose et ses dents d’émail étaient d’une princesse de contes de fées. Je m’émerveillais à la regarder. De son esprit, bien qu’elle en eût, je ne me rappelle rien. De son caractère moral, lorsque je le vis formé dans la suite, je n’aurais su rien dire, si ce n’est qu’il était avec le mien en opposition complète. Au moment dont je parle, Fanny et moi nous étions déjà telles que nous devions rester : les deux personnes les plus disparates du monde en toutes choses. Mais, de cela, nous ne savions rien, nous ne sentions rien, ni l’une ni l’autre. Notre naturelle douceur, nos instincts d’élégance, nos succès au parloir, qui nous distinguaient de nos autres compagnes, suffisaient à notre intimité[1]. Elle se renoua dans le monde, avant et après notre mariage ; et quand, après une longue interruption, nous la reprîmes, nous en trouvâmes toutes deux le charme encore vif.

Au moment où j’en suis de mon récit, j’ai à dire une autre intimité de couvent, beaucoup moins mo-

  1. Je reviendrai plus tard à cette charmante femme, un moment célèbre par une aventure d’éclat, morte, très-jeune encore, de la rupture d’un anévrisme.