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poudrée, à queue ; culottes courtes, par toutes les saisons, de nankin en été, de serge en hiver ; bas chinés, souliers à boucles. Il s’en allait ainsi trottinant par la boue des rues, son Homère ou son Virgile sous le bras, récitant à haute voix la leçon qu’il préparait pour le lendemain ; se garant fort mal des éclaboussures, et ne prenant nul souci du rire des passants. Il n’était pas enjoué comme l’abbé Gaultier. Auprès des cours riants de la rue de Grenelle, ma leçon solitaire était bien morne. Cependant j’apprenais volontiers, sans peine, et j’en étais venue à parler, à écrire, à penser, ou plutôt à imaginer en allemand, tout aussi bien qu’en français.

La musique allemande, sous la direction de ma mère, contribuait aussi et de plus en plus au développement de mon intelligence. Ma mère, je crois l’avoir déjà dit, était musicienne. Elle avait pris à Vienne des leçons du célèbre Paër, et chantait agréablement, en s’accompagnant elle-même. Elle jouait sur un piano à queue, de Stein, dont les touches noires et blanches étaient placées à l’inverse de la coutume — les dièzes et les bémols en blanc, les notes naturelles en noir — et qui, à cause de cela, me plaisait singulièrement, les partitions de la Zauberflöte, de la Cosa rara, de Cosi fan tutte, d’Idomeneo. J’avais des dispositions pour la musique : elle les cultiva de bonne heure. Elle me donna d’abord, puis elle me fit