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V


DIEU MUET


SONNET


A mon ami Charles Dolfus.


La neige a ses gaîtés, le soleil sa tristesse ;
En son joyeux printemps la terre a ses langueurs ;
Le bonheur jette une ombre, et des ans les rigueurs
S’émoussent au front calme où sourit la sagesse.

Ici bas rien d’entier. Le deuil à l’allégresse,
Le regret au plaisir, l’amertume aux douceurs,
Tout se mêle en notre âme, et sa suprême ivresse
N’est qu’un désir trompé qui s’éteint dans les pleurs.

Et c’est pourquoi toujours, en son inquiétude,
L’homme oscille, et ne sait, cherchant l’obscur lien,
Par qui sont rattachés et le mal et le bien,

Et l’amour et la mort, si la béatitude
Est promesse ou mensonge, et si d’un Dieu muet
Il doit souffrir l’outrage ou bénir le bienfait.