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ÉTUDE SUR DANIEL STERN

Staël, elle aussi âme passionnée, grand esprit, haute et brillante éloquence, qui a laissé dans de nombreux écrits le témoignage de la richesse de ses idées et de la générosité de ses sentiments. L’éclat de son rôle mondain, commencé dans le salon de son père, remplissait, au début de la Révolution, le cercle politique où dominait l’autorité de M. Necker ; mais, elle n’avait pas alors et n’eut jamais depuis d’action directe et publique ; elle ne prit pas, comme madame Roland, une part virile aux luttes des partis. En revanche, elle a donné en littérature des preuves d’un génie incontestable. Elle nous apparaît debout au seuil de ce siècle, à côté de son grand rival Chateaubriand, plus ouverte que lui aux idées et moins curieuse des phrases, plus tournée vers l’avenir, préoccupée d’ouvrir des voies nouvelles, frappant à tous les points de l’horizon pour en faire jaillir la lumière, sondant tout, animant tout, éclairant tout de son vif esprit, échauffant tout des ardeurs de son âme. Madame de Staël représente la transition entre les temps anciens et les temps nouveaux : par son éducation, par ses relations sociales, elle appartient à l’ancien monde, par son génie et ses tendances au monde moderne. Sa réputation a pris naissance dans les salons où le charme vivant et varié d’une conversation incomparable lui faisait une tribune toujours entourée d’auditeurs, où son verbe passionné, l’éclat de