Page:Stern - Esquisses morales, 1880.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
ÉTUDE SUR DANIEL STERN

en silence aux délibérations, puis, interrompant un ouvrage d’aiguille, jeter dans l’entretien un mot décisif, éclairer les questions, fixer les irrésolutions, ranimer les courages par l’influence naturelle d’un esprit et d’un caractère supérieurs. Puis on la voit monter à l’échafaud dans sa robe blanche, calme et sereine, au milieu des regrets qu’inspire sa perte et des larmes qu’elle arrache même à ses adversaires politiques[1]. Il n’est pas jusqu’à sa passion pour Buzot, ce mystère caché à ses contemporains et qu’un hasard a fait découvrir aux nôtres[2], qui ne marque madame Roland d’un signe à part, au début d’une nouvelle ère. Rien ne ressemble moins que cette passion profonde, austère, héroïque, à la galanterie qui est le caractère général de l’amour au dix-huitième siècle ; c’est aussi un produit de la Révolution, que cet amour pur, né de la communion des idées et des sentiments dans la lutte pour une grande cause, qui se nourrit d’abnégation, s’exalte par le sacrifice et ne laisse échapper son secret qu’à la veille de la mort, quand la séparation éternelle a déjà commencé dans les murs d’une prison dont on ne devait sortir que pour l’échafaud.

Après madame Roland voici venir madame de

  1. Mémoires de Beugnot.
  2. Voir les lettres de madame Roland à Buzot publiée par C. A. Dauban, dans l’Étude sur madame Roland et son temps. Paris, 1864, chez Plon.