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LE TÉMOIN

jusqu’au doute : « Nous verrons peut-être une paix de cinquante ans. »[1]

Ce que la femme refoule en elle à cette heure de silence, ce sont moins en effet des plaintes que des questions. Pour la première fois encore, elle a lu les dépêches des diplomates, et la relation de cause à effet entre leurs futiles querelles et l’énormité de la catastrophe, lui échappe absolument. Jamais elle n’acceptera comme une nécessité humaine, c’est-à-dire une fatalité inéluctable, le rouage le plus compliqué, le plus artificiel, le plus coûteux et le plus maladroit de la politique moderne. Elle serait tentée d’y voir uniquement une routine de la diplomatie, une survivance des âges où la guerre faisait vraiment plaisir à quelqu’un, enrichissait un prince, en vengeait un autre, ou résolvait même un litige de succession. Elle sait qu’aujourd’hui, par ses disproportions, la guerre dépasse tous les buts, qu’elle n’accomplit rien de ce pour quoi on l’entreprend, si ce n’est un éphémère traité de paix, et rien ne serait plus désespérant que la gratuité du cataclysme, s’il n’y avait cette phrase de perroquet, par laquelle on s’y résigne : « Tant qu’il y aura des hommes… » Ah, qu’il ne s’agirait guère d’une réforme de la nature humaine. Le meurtre et le pugilat, oui, sont dans la nature, mais pas le meurtre sans plaisir. La vérité est qu’une mobilisation générale est le comble de la vie artificielle imaginée par l’homme et la civilisation. Avoir rêvé, puis réalisé pareille utopie, est un miracle du vouloir humain, qui doit nous

  1. Écho de Paris : Général Cherfils ; Journal : Saint-Brice.