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Un négociant, son courrier reçu, dit à un courtier : « Il me faut 200 pièces de vin, telle qualité, à tel prix ». Le courtier répond : « Il y en a à tel lieu et tel autre ». Il va chez les propriétaires et prélève 2 % sur le prix payé par le négociant, outre les cadeaux des propriétaires, pressés de vendre, comme ils le sont tous. Ces courtiers sont comme des Ministres : ils voient toujours des gens qui ont besoin d’eux. Beaucoup se font 8 ou 10.000 francs par an avec des courses dans le Médoc et en se faisant prier pour accepter de bons dîners. D’ailleurs ils ne peuvent jamais perdre.

Un négociant, mon voisin, qui, à force de vouloir m’apprendre à connaître les vins du pays a, je pense, entrepris de m’anéantir, me jure qu’il y a autant de clubs à Bordeaux qu’à Genève. On m’annonce qu’il y a des clubs même pour les domestiques : un club pour les domestiques non cochers, un club pour les cochers.

Les pauvres femmes ne vont pas au spectacle, parce que leurs maris ne veulent pas les y conduire. D’un autre côté, Bordeaux est plus vexé qu’aucune petite ville peut-être par l’affreux qu’en dira-t-on. Si un jeune homme va trois fois dans une maison, la dame le prie, en gémissant, de rendre ses visites moins fréquentes.

Cet ensemble de vie donne naissance à