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ne peut rien faire s’il ne plaît pas au ministre. L’architecture sera donc le dernier des arts qui pourra renaître en France.

Hier dimanche, jour de mon arrivée, je lisais dans le feuilleton assez bien fait d’un journal de Bordeaux : « Notre salle, la plus belle de France et même de l’Europe. » Cette grossière erreur, fille de la vanité gasconne, est cependant fort utile : noblesse oblige. En vertu de la beauté de leur théâtre, qu’ils croient suprême, les Bordelais se figureront peut-être qu’ils aiment les arts et ils donneront quelque argent pour cultiver chez leurs enfants le sentiment du beau.

L’intérieur de ce théâtre, où j’ai entendu ce soir cette musique vide de la Juive pas trop mal chantée par Mme Pouilley, est fort commode. L’atrio (vestibule), d’une architecture sèche, est orné de colonnes beaucoup trop grêles, comme celles de la façade. Sur le premier palier de l’escalier qui règne au fond de ce vestibule, j’ai trouvé emprisonné dans une grille un buste niais, style de Louis XV : c’est celui de M. Louis, architecte immortalisé par cette salle, bâtie en 17[73].

L’intérieur de la salle proprement dite est peut-être ce qu’il y a de plus laid dans tout ce monument. La place ordinairement destinée aux spectateurs, est usurpée par