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terrible Intendance de santé à laquelle je voudrais voir rogner les ongles, m’a conduit à leur bureau et à la consigne. Le soleil est une chose si belle, mais si terrible à Marseille que nous avons pris pour l’éviter les vilaines rues qui doublent le fameux quai de la Bourse[1].

Les grandes et magnifiques croisées du Bureau de la Santé ont pour parterre, à trois pieds en contre bas, cette mer bleue et étincelante de l’entrée du port. Le bureau de ces inquisiteurs forme réellement le plus joli salon de Marseille.

En entrant, vis-à-vis la porte, la Peste de Milan par le Puget. Détails vrais, intéressants, variés. Ce bas-relief fait par ce grand artiste est un tableau comme nos tableaux modernes sont des bas-reliefs. Celui-ci a une profondeur étonnante. Il y a loin de cette jambe de pestiféré qui sort au premier plan à cette femme qui se jette sur le corps de son mari, que la peste vient de lui enlever. Componction de ce bon saint Charles Borromée qui regarde le ciel. Ce saint Charles n’est ressemblant, ni au physique, ni au moral. Il avait ce

  1. Tout le monde, j’ai tort, mais les gens sans vanité, l’homme qui écrit par exemple, habiteraient ce quai si bien situé, si gai, où éclate à tout moment la gaîté méridionale, sans l’exécrable odeur du port. Réellement les gens de Marseille devraient vendre leur chemise pour amener la Durance dans leur port.