Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sable nommé les Landes. C’est le pays le plus triste du monde ! l’eau y est couleur de café, comme la Sprée qui coule à Berlin et le sable est à peine couvert, de temps à autre, par des pins qu’on écorche pour avoir de la résine. Même quand il n’est pas écorché, ce pin est le plus vilain arbre du monde. Il n’a que le nom de commun avec le magnifique pin à tête ronde qui fait la gloire de la villa Ludovisi à Rome.

Une antique avenue, plantée par l’auteur de l’Esprit des Lois, conduisait au château où il est né ; on vient d’en faire de l’argent. Une centaine de pins de cette avenue subsiste encore ; c’est à l’endroit où l’on quitte l’affreux chemin vicinal venant du bourg de La Brède pour tourner à droite vers le château.

J’étais tout attention. J’ai aperçu un édifice sans façade à peu près rond, environné de fossés fort larges remplis d’une eau fort propre, mais couleur de café. Cette eau vient des Landes et les poissons ne peuvent y vivre. Cet aspect horriblement triste et sévère m’a rappelé le château où Armide retenait prisonniers les chevaliers chrétiens qu’elle avait amenés du camp des Croisés.

Ce château est élevé ; il a l’air très fort. Dans l’endroit le plus large, les fossés ont 70 pieds de large et 30 ou 35 dans le lieu