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phonies de Lulli, que celle qui est nécessaire à la danse ; encore cette musique imparfaite, dans laquelle une seule partie chantait, n’était-elle exécutée en Italie que par un petit nombre d’instruments. Paul Véronèse nous a conservé la figure de ceux qui étaient en usage de son temps, dans cette fameuse Cène de Saint-Georges, qui est à la fois le plus grand tableau du Musée de Paris et un des plus agréables. Au devant du tableau, dans le vide du fer à cheval formé par la table où les convives de la noce de Cana sont assis, le Titien joue de la contre-basse, Paul Véronèse et le Tintoret du violoncelle, un homme qui a une croix sur la poitrine joue du violon, le Bassan joue de la flûte, et un esclave turc de la trompette.

Quand le compositeur voulait une musique plus bruyante, il ajoutait à ces instruments les trompettes droites. L’orgue, en général, se faisait entendre seul. La plupart des instruments employés par les troubadours de Provence ne furent jamais connus hors de France, et ne survécurent pas au quinzième siècle. Enfin, Viadana[1] ayant inventé la basse continue, et la musique faisant tous les jours des progrès en Italie, les violons, nommés alors violes, chassèrent peu à peu tous les autres instruments ; et vers le milieu du dix-septième siècle les orchestres prirent la composition que nous leur voyons aujourd’hui.

Sans doute à cette époque les âmes les plus faites pour la musique n’imaginaient même pas, dans leurs rêveries les plus douces, une réunion telle que l’admirable orchestre de l’Odéon, formé d’un si grand nombre d’instruments, tous

  1. Né à Lodi, dans le Milanais ; il était maître de chapelle à Mantoue en 1644.