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seras à mon service. Comment t’appelles-tu ? — Joseph Haydn. — Mais je me rappelle ce nom ; tu es déjà à mon service : pourquoi ne t’ai-je pas encore vu ? » Haydn, troublé par la majesté qui environnait le prince, ne répond pas ; celui-ci ajoute : « Va, et habille-toi en maître de chapelle, je ne veux plus te voir ainsi, tu es trop petit, tu as une figure mesquine : prends un habit neuf, une perruque à boucles, le collet et les talons rouges ; mais je veux qu’ils soient hauts, afin que ta stature réponde à ton savoir, tu entends, va, et tout te sera donné. »

Haydn baisa la main du prince, et alla se remettre dans un coin de l’orchestre, un peu dolent, ajoutait-il, d’être obligé de renoncer à ses cheveux et à son élégance de jeune homme. Le lendemain matin, il parut au lever de Son Altesse, emprisonné dans le costume grave qu’elle lui avait indiqué. Il avait le titre de second maître de musique, mais ses nouveaux camarades l’appelèrent tout simplement le Maure.

Un an après, le prince Antoine étant mort, son titre passa au prince Nicolas, encore plus passionné, s’il est possible, pour l’art musical. Haydn fut obligé de composer un grand nombre de morceaux pour le baryton, instrument très-compliqué, hors d’usage aujourd’hui, et dont la voix,