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le trône, je veux dire par l’empereur Charles VI, se maintenait dans toute sa vigueur. Ce grave monarque, qui, dit-on, n’avait jamais ri, était un des amateurs les plus forts de son temps et les compositeurs en us qu’il avait auprès de lui étaient indignés de tout ce qui avait plutôt l’air de l’amabilité que du savoir. Les charmantes petites idées du jeune musicien, la chaleur de son style, les licences qu’il prenait quelquefois, excitèrent contre lui tous les Pacômes du monastère de l’harmonie. Ils lui reprochaient des erreurs de contre-point, des modulations hérétiques, des mouvements trop hardis. Heureusement tout ce bruit ne fait aucun mal au génie naissant : une seule chose pourrait lui nuire, le silence du mépris ; et le début de Haydn fut accompagné de circonstances absolument opposées.

Il faut que vous sachiez, mon ami, qu’avant Haydn on n’avait pas d’idée d’un orchestre composé de dix-huit sortes d’instruments. Il est l’inventeur du prestissimo, dont la seule idée faisait frémir les antiques croque-sol de Vienne. En musique, comme en toute autre chose, nous avons peu d’idées de ce qu’était le monde il y a