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des fugues à double sujet. Curtz, qui avait de l’esprit et du goût, était difficile à contenter ; mais il y avait bien une autre difficulté. Ni l’un ni l’autre des deux auteurs n’avait jamais vu ni mer ni tempête. Comment peindre ce qu’on ne connaît pas ? Si l’on trouvait cet art heureux, beaucoup de nos grands politiques parleraient mieux de la vertu. Curtz, tout agité, se démenait dans la chambre autour du compositeur assis au piano. « Figure-toi, lui disait-il, une montagne qui s’élève, et puis une vallée qui s’enfonce, puis encore une montagne, et encore une vallée les montagnes et les vallées se courent rapidement après, et, à chaque instant, les alpes et les abîmes se succèdent. »

Cette belle description n’y faisait rien. L’arlequin avait beau ajouter les éclairs et le tonnerre. « Allons, peins-moi toutes ces horreurs, mais bien distinctement ces montagnes et ces vallées, » répétait-il sans cesse.

Haydn promenait rapidement ses doigts sur le clavier, parcourait les semi-tons, prodiguait les septièmes, sautait des sons les plus bas aux plus aigus. Curtz n’était pas content. À la fin, le jeune homme, impatienté, étend les mains aux deux bouts du clavecin, et, les rapprochant rapidement, s’écrie : « Que le diable emporte la