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Carinthie[1] avait alors pour directeur Bernardone Curtz, célèbre Arlequin, en possession de charmer le public par ses calembours. Bernardone attirait la foule à son théâtre par son originalité et par de bons opéras bouffons. Il avait de plus une jolie femme ; ce fut une raison pour nos aventuriers nocturnes d’aller exécuter leur sérénade sous les fenêtres de l’arlequin. Curtz fut si frappé de l’originalité de cette musique, qu’il descendit dans la rue pour demander qui l’avait composée. « C’est moi, répond hardiment Haydn. — Comment, toi ? à ton âge ? — Il faut bien commencer une fois. — Pardieu ! c’est plaisant ; monte. » Haydn suit l’arlequin, est présenté à la jolie femme, et redescend avec le poëme d’un opéra intitulé, le Diable Boiteux. La musique, composée en quelques jours, eut le plus heureux succès, et fut payée vingt-quatre sequins. Mais un seigneur, qui apparemment n’était pas beau, s’aperçut qu’on le mystifiait sous le nom de Diable Boiteux, et fit défendre la pièce.

Haydn raconte souvent qu’il eut plus de peine pour trouver le moyen de peindre le mouvement des vagues dans une tempête de cet opéra, que, dans la suite, pour faire

  1. Le plus fréquenté des trois théâtres de Vienne.