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dans l’hôtel de l’ambassade. Haydn, uniquement en sa qualité de mélomane, trouva moyen de s’insinuer dans cette maison. Il y plut ; et Son Excellence le mena, avec sa maîtresse et Porpora, aux bains de Manensdorf, qui alors étaient à la mode.

Notre jeune homme, qui n’avait d’amour que pour le vieux Napolitain, se mit à employer toutes sortes de ruses pour entrer dans ses bonnes grâces, et obtenir ses faveurs harmoniques. Tous les jours il se levait de bonne heure, battait l’habit, nettoyait les souliers, arrangeait de son mieux la perruque antique du vieillard, grondeur au delà de tout ce qu’on peut l’être. Il n’en obtint d’abord que quelques épithètes de sol, quand il entrait le matin dans sa chambre. Mais l’ours, se voyant servi gratis, et distinguant cependant des dispositions rares dans son jockey volontaire, se laissait attendrir de temps en temps, et lui donnait quelques bons avis. Haydn en obtenait surtout quand il devait accompagner la belle Wilhelmine, chantant quelques-uns des airs de Porpora, tous remplis de basses difficiles à deviner. Joseph apprit dans cette maison à chanter dans le grand goût italien. L’ambassadeur, étonné des progrès de ce pauvre jeune homme, lui fit, à son retour en ville, une