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Quant aux belles voix d’Italie, une des sottises de messieurs nos petits philosophes nuira probablement à nos plaisirs encore pendant un grand nombre d’années. Ces messieurs sont montés en chaire pour nous apprendre qu’une petite opération faite à quelques enfants de chœur allait faire de l’Italie un désert : la population allait périr, l’herbe croissait déjà dans la rue de Tolède ; et d’ailleurs, les droits sacrés de l’humanité ! Ah ciel ! Ces messieurs doivent être de bien bonnes têtes, si l’on en juge par leur froideur pour les arts. Malheureusement une autre bonne tête, un peu meilleure, M. Malthus, docteur anglais, s’est avisé de faire sur la population un ouvrage de génie qui contrebalancera un peu les petites assertions des Roland, des d’Alembert, et autres honnêtes gens, qui auraient dû se rappeler le mot ne sutor, et ne jamais parler des arts ni en bien ni en mal.

Malthus donc explique fort bien à nos chatouilleux philosophes que la population d’un pays augmente toujours en raison de la nourriture qu’on peut s’y procurer. Il ajoute que la principale cause de cette triste pauvreté, si commune, est la tendance qu’en vertu des penchants de la nature et de l’imprévoyance humaine, la population a de s’accroître au delà des