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seul avait des moments parfaits dans la Distruzzione di Gerusalemme. Ce malheur-là n’est pas de ceux qui se réparent avec de l’argent, il tient aux qualités intimes du public français.

Voyez ce même Français, si contraint en parlant de musique, si craintif pour les intérêts de son amour-propre ; voyez-le admirer un bon mot ou une repartie ingénieuse ; avec quel esprit, avec quel sentiment plein de feu et de finesse, avec quelle abondance n’en détaille-t-il pas tout le piquant ! Vous diriez, si vous étiez un songe-creux : ce pays-là doit produire des Molière et des Regnard, et non pas des Galuppi et des Anfossi.

Un jeune prince italien est dilettante ; il compose, bien ou mal, quelques airs, et est éperdûment amoureux d’une actrice : s’il paraît à la cour de son souverain, il y est embarrassé et respectueux. Un jeune duc français arrive jusqu’à la chambre du roi, en se donnant des airs élégants ; on voit qu’il est heureux, son âme jouit pleinement de ses facultés : il va s’appuyer, en fredonnant, contre la balustrade qui sépare le lit du roi du reste de la chambre. Un huissier, un homme noir, s’approche et lui dit qu’il n’est pas permis de s’asseoir ainsi, qu’il profanise la balustrade du roi. — « Ah ! vous avez raison, mon ami ; allez, je préconerai partout votre zèle ; » et il fait une pirouette en riant.