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aisés à distinguer ; chaque spectateur, charmé de prouver qu’il est connaisseur, assourdit son voisin par des battements de mains d’énergumène : mais ces applaudissements sont sans véritable chaleur ; son âme ne vient pas de recevoir un grand plaisir, c’est seulement son esprit qui approuve. Un Italien se livre franchement à la jouissance d’admirer un bel air qu’il entend pour la première fois ; un Français n’applaudit qu’avec une sorte d’inquiétude, il craint d’approuver une chose médiocre : ce n’est qu’à la troisième ou quatrième représentation, lorsqu’il sera bien décidé que cet air est délicieux, qu’il osera crier bravo ! en appuyant sur la première syllabe, pour montrer qu’il sait l’italien. Voyez-le dire, le jour d’une première représentation, à son ami, qu’il aborde au foyer : Cela est divin ! sa bouche affirme, mais son œil interroge. Si son ami ne lui répond pas par un autre superlatif, il est prêt à détrôner sa divinité. Aussi l’enthousiasme musical de Paris n’admet-il aucune discussion ; cela est toujours délicieux ou exécrable : au delà des Alpes, comme chacun est sûr de ce qu’il sent, les discussions sur la musique sont infinies.

J’ai trouvé froids tous les grands chanteurs que j’ai vus à l’Odéon : Crivelli n’est plus le même qu’à Naples ; Tachinardi