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Louis, si jamais vous venez en Italie, de trouver des orchestres bien inférieurs à celui de l’Odéon, et des troupes où il n’y a qu’une voix ou deux. Vous me croirez menteur comme un voyageur de long cours. Jamais de réunion égale à celle que vous possédiez à Paris, lorsque vous aviez, dans le même opéra, madame Barilli, mesdames Neri et Festa, et, en hommes, Crivelli, Tachinardi et Porto. Mais ne désespérez pas de votre soirée : les chanteurs que vous trouvez médiocres ici seront électrisés par un public sensible et capable d’enthousiasme ; et le feu circulant du théâtre aux loges, et des loges au théâtre, vous entendrez chanter avec un ensemble, une chaleur, un brio, dont vous n’avez pas même d’idée. Vous verrez de ces moments d’entraînement où, chanteurs et spectateurs, tous s’oublient pour n’être sensibles qu’à la beauté d’un finale de Cimarosa. Ce n’est pas assez de donner, à Paris, trente mille francs à Crivelli ; il faudrait encore acheter un public fait pour l’entendre et pour nourrir l’amour qu’il a pour son art. Il fait un trait superbe et simple, pas un applaudissement[1] ; il se permet un de ces agréments communs et

  1. Ceci est la plus grande preuve de barbarie. Tout au plus on sait la musique, jamais on ne la sent. On sent une réplique fine de M. Scribe. (Note manuscrite de l’exemplaire Mirbeau.)