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à la situation où il va se trouver dans un moment ; aussi les mots

Ah ! no, si gran duolo
Non darle per me,

répétés cinq ou six fois par Pergolèse, ont cinq ou six expressions tout à fait différentes dans la langue qu’il leur prête. La sensibilité humaine ne peut aller plus loin que la peinture que ce grand homme a laissée de la situation de Mégaclès. On sent qu’un tel état ne peut durer : quelques minutes d’une telle musique épuisent également l’acteur et le spectateur ; et cela vous explique, mon ami, l’ivresse avec laquelle on applaudit, en Italie, un air bien chanté. C’est que le chanteur habile est le plus grand des bienfaiteurs ; c’est qu’il vient de donner à tout un théâtre des plaisirs divins, et dont la moindre indisposition, ou la moindre négligence de sa part, eût pu priver les spectateurs. Jamais homme, peut-être, n’a causé un plus grand plaisir à un autre homme, que Marchesi, chantant le rondo

Mia speranza io pur vorrei

de l’Achille in Sciro, de Sarti[1].

  1. Une femme sensible, qui était bien éloignée de soupçonner