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que cette rage de travail ruinait sa santé. Sa femme et ses amis faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour le distraire : par complaisance pour eux, il les accompagnait dans les promenades et aux visites où on le menait, mais son esprit n’y était pas. Il ne sortait de temps en temps de cette mélancolie habituelle et silencieuse que par le pressentiment de sa fin prochaine, idée qui lui causait toujours une terreur nouvelle. On reconnaît le genre de folie du Tasse, et celle qui rendit Rousseau si heureux dans le vallon des Charmettes, en le portant, par la crainte d’une mort prochaine, à la seule bonne philosophie, celle de jouir du moment présent et d’oublier les chagrins. Peut-être, sans cette exaltation de la sensibilité nerveuse qui va jusqu’à la folie, n’y a-t-il pas de génie supérieur dans les arts qui exigent de la tendresse. La femme de Mozart, inquiète de cette manière d’être singulière, avait l’attention de faire venir chez son mari les personnes qu’il aimait à voir, et qui faisaient semblant de le surprendre au moment où, après plusieurs heures de travail, il aurait dû naturellement songer au repos. Ces visites lui faisaient plaisir, mais il ne quittait point la plume : on causait, on cherchait à l’engager dans la conversation, il n’y prenait aucune