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gardait pas même de copie, afin qu’étant les seuls à les jouer ils pussent se produire avec plus d’avantages.

Mozart avait souvent le dimanche des concerts chez lui. Un comte polonais qu’on y mena un jour fut enchanté, ainsi que tous les assistants, d’un morceau de musique pour cinq instruments, qu’on exécutait pour la première fois. Il témoigna à Mozart combien ce morceau lui avait fait de plaisir, et le pria de composer pour lui un trio de flûte quand il se trouverait de loisir. Mozart le lui promit, sous cette condition, qu’il ne serait nullement pressé. Le comte, en rentrant chez lui, envoya au compositeur cent demi-souverains d’or (un peu plus de deux mille francs), avec un billet très poli, dans lequel il le remerciait du plaisir dont il venait de jouir. Mozart envoya au comte la partition originale du morceau de musique à cinq instruments qui avait paru lui plaire. Ce comte partit. Une année après il revint voir Mozart, et lui demanda des nouvelles de son trio : « Monsieur, répondit le compositeur, je ne me suis pas encore senti disposé à composer quelque chose qui fût digne de vous. — Par conséquent, répliqua le comte, vous ne vous sentirez pas non plus disposé à me rembourser les cent demi-souverains d’or que je vous ai payés