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pour que vous puissiez sortir d’embarras, et pour qu’en même temps je ne perde pas tout à fait le fruit de mon travail : je ne donnerai ma partition qu’à vous seul, vous m’en payerez ce que vous voudrez ; mais c’est sous la condition expresse que vous n’en laisserez pas prendre de copie : si l’opéra fait du bruit, je le vendrai à d’autres directions. » Le directeur, ravi de la générosité de Mozart, s’épuise en promesses. Celui-ci se hâte de composer sa musique, et la fait exactement dans le genre qui lui était indiqué. On donne l’opéra ; la salle est toujours pleine : on en parle dans toute l’Allemagne, et quelques semaines après on le joue sur cinq ou six théâtres différents, sans qu’aucun d’eux eût reçu de copie du directeur dans l’embarras.

D’autres fois encore il ne trouva que des ingrats dans ceux auxquels il avait rendu des services ; mais rien ne put le guérir de son obligeance pour les malheureux. Toutes les fois que des virtuoses peu fortunés passaient par Vienne, et que, n’y connaissant personne, ils s’adressaient à lui, il leur offrait d’abord sa table et son logement, leur faisait faire la connaissance de ceux qui pouvaient leur devenir utiles et rarement les laissait partir sans composer pour eux des concertos, dont il ne