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sait sur l’auditoire. Il n’abandonna point l’idée principale qu’il avait commencé à exprimer, mais il la développa avec toute l’impétuosité dont il était capable. On n’y fit pas encore attention. Il se mit alors à apostropher son auditoire d’une manière assez brusque, mais toujours en continuant de jouer ; et comme heureusement ce fut en italien, presque personne ne le comprit. Cependant on commençait à être plus tranquille. Quand sa colère fut un peu apaisée, il ne put s’empêcher de rire lui-même de son impétuosité. Il donna à ses idées une tournure plus vulgaire, et finit par jouer un air très-connu, dont il fit dix à douze variations charmantes. Tout le salon était ravi, et très peu de ceux qui s’y trouvaient s’étaient aperçus de la scène qui venait de se passer. Mozart cependant sortit bientôt, en invitant le maître de la maison, qui l’accompagnait, et quelques connaisseurs à venir le voir le même soir dans son auberge. Il les y retint à souper ; et à peine lui eurent-ils témoigné quelque désir de l’entendre, qu’il se mit à jouer des fantaisies sur le clavecin, où, au grand étonnement de ses auditeurs, il s’oublia jusqu’après minuit.

Un vieil accordeur de clavecin était venu mettre quelques cordes à son forte-piano de voyage. « Bon vieillard, lui dit