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Mais ce même homme, toujours distrait, toujours jouant et s’amusant, paraissait devenir un être d’un rang supérieur dès qu’il se plaçait devant un piano. Son âme s’élevait alors, et toute son attention pouvait se diriger vers le seul objet pour lequel il fût né, l’harmonie des sons. L’orchestre le plus nombreux ne l’empêchait point d’observer, pendant l’exécution, le moindre son faux, et il indiquait sur-le-champ, avec la précision la plus surprenante, sur quel instrument on avait fait la faute, et quel son il eût fallu en tirer.

Lors du voyage de Mozart à Berlin, il n’y arriva que le soir très tard. À peine fut-il descendu de sa voiture, qu’il demanda au garçon de l’auberge s’il y avait opéra. « Oui, l’Enlèvement au Sérail. — Cela est charmant ! » Et déjà il était en route pour le spectacle ; il se mit à l’entrée du parterre pour écouter sans être reconnu. Mais tantôt il était si satisfait de la bonne exécution de certains morceaux, tantôt si mécontent de la manière dont on jouait quelques autres, ou du mouvement dans lequel on les exécutait, ou des broderies que faisaient les acteurs, que, tout en témoignant sa satisfaction et son déplaisir, il se trouva contre la barre de l’orchestre. Le directeur s’était permis de faire des changements à un des airs : lorsqu’on y fut arrivé, Mozart