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chez lui, sur lequel il lui arrivait presque tous les jours de jouer seul quand il n’avait plus de partner. Les mains de Mozart avaient une direction tellement décidée pour le clavecin, qu’il était peu adroit pour toute autre chose. À table il ne coupait jamais ses aliments, ou s’il entreprenait cette opération, il ne s’en tirait qu’avec beaucoup de peine et de maladresse. Il priait ordinairement sa femme de lui rendre ce service.

Ce même homme qui, comme artiste, avait atteint le plus haut degré de développement dès l’âge le plus tendre, est toujours demeuré enfant sous tous les autres rapports de la vie. Jamais il n’a su se gouverner lui-même. L’ordre dans les affaires domestiques, l’usage convenable de l’argent, la tempérance et le choix raisonnable des jouissances, ne furent jamais des vertus à son usage. Le plaisir du moment l’emportait toujours. Son esprit, constamment absorbé dans une foule d’idées qui le rendaient incapable de toute réflexion sur ce que nous appelons les choses sérieuses, fit que pendant toute sa vie il eut besoin d’un tuteur qui prît soin de ses affaires temporelles. Son père connaissait bien ce faible : ce fut ce qui l’engagea, en 1777, à le faire suivre à Paris par sa femme, son emploi à Salzbourg ne lui permettant point alors de s’éloigner.