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quent ayant beaucoup diminué, tandis que l’opéra prenait faveur, et qu’on offrait aux habiles chanteurs des prix inconnus jusqu’alors, peu à peu la chapelle Sixtine n’a plus eu les premiers talents.

Le Miserere qu’on y chante deux fois pendant la semaine sainte, et qui fait un tel effet sur les étrangers, a été composé, il y a deux cents ans environ, par Gregorio Allegri, un des descendants d’Antonio Allegri, si connu sous le nom du Corrège. Au moment où il commence, le pape et les cardinaux se prosternent : la lumière des cierges éclaire le Jugement dernier, que Michel-Ange peignit contre le mur auquel l’autel est adossé. À mesure que le Miserere avance, on éteint successivement les cierges ; les figures de tant de malheureux, peintes avec une énergie si terrible par Michel-Ange, n’en deviennent que plus imposantes à demi éclairées par la pâle lueur des derniers cierges qui restent allumés. Lorsque le Miserere est sur le point de finir, le maître de chapelle, qui bat la mesure, la ralentit insensiblement, les chanteurs diminuent le volume de leurs voix, l’harmonie s’éteint peu à peu, et le pécheur, confondu devant la majesté de son Dieu, et prosterné devant son trône, semble attendre en silence la voix qui va le juger.