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son fils occupé à écrire. « Que fais-tu donc là, mon ami ? lui demanda-t-il. — Je compose un concerto pour le clavecin. Je suis presque au bout de la première partie. — Voyons ce beau griffonnage. — Non, s’il vous plaît, je n’ai pas encore fini. » Le père prit cependant le papier et montra à son ami un griffonnage de notes qu’on pouvait à peine déchiffrer à cause des taches d’encre. Les deux amis rirent d’abord de bon cœur de ce barbouillage ; mais bientôt, lorsque Mozart le père l’eut regardé avec attention, ses yeux restèrent longtemps fixés sur le papier, et enfin se remplirent de larmes d’admiration et de joie. « Voyez donc, mon ami, dit-il avec émotion et en souriant, comme tout est composé d’après les règles ; c’est dommage qu’on ne puisse pas faire usage de ce morceau, parce qu’il est trop difficile, et que personne ne pourrait le jouer. — Aussi c’est un concerto, reprit le jeune Mozart ; il faut l’étudier jusqu’à ce qu’on parvienne à le jouer comme il faut. Tenez, voilà comme on doit s’y prendre. » Aussitôt il commença à jouer, mais il ne réussit qu’autant qu’il fallait pour faire voir quelles avaient été ses idées. À cette époque, le jeune Mozart croyait fermement que jouer un concerto et faire un miracle était la même chose ; aussi la composition dont on