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modérées, communes au Danois et au Napolitain : s’il leur était donné d’imiter des passions plus fortes, elles arriveraient bientôt au point où la sensibilité de l’homme du Midi se sépare de celle de l’homme du Nord. Quel doit donc être l’embarras du musicien, celui des artistes qui peint de plus près les affections du cœur humain, et qui encore ne peut les peindre qu’en faisant agir l’imagination et la sensibilité de chacun de ses auditeurs, qu’en mettant, pour ainsi dire, chacun d’eux de moitié dans son travail ! Comment voulez-vous qu’un homme du Nord sente l’air Come ! io vengo per sposarli de Cimarosa ? L’amant désespéré qui le chante doit lui paraître simplement un malheureux échappé des petites maisons. Le God save the King, d’un autre côté, semblerait peut-être insipide à Naples. Ne soyez donc point inquiet pour votre cher Cimarosa ; il peut passer de mode, mais l’équitable postérité le mettra sûrement, pour le talent, à côté de Raphaël. Seulement le talent de celui-ci est pour toute la terre, ou du moins pour toute l’Europe, et en musique il est naturel que chaque pays ait son Raphaël. Chacun des mondes qui roulent sur nos têtes a bien son soleil, qui, pour le monde voisin, n’est qu’une étoile plus ou moins brillante, suivant le