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nous mîmes insensiblement à examiner les figures qui étaient autour de nous ; j’aurai bien voulu pouvoir travailler : je demandai mon sac au capitaine, il me le donna, mais me conjura à voix basse de ne pas prendre mon filet. Je vous assure, me dit-il, que travailler dans une loge paraîtra ridicule à Munich ; cela est bon à Lambach. Je tenais déjà ma bourse d’une main, et de l’autre la petite bobine garnie de fil d’or ; j’allais travailler : — Tenez, je m’en vais vous faire une histoire sur les bobines garnies de fil d’or, me dit le capitaine alarmé. — Est-ce un conte de fée ? — Non pas, malheureusement.

« C’est que je comparais, malgré moi, la sensibilité de chacun des spectateurs qui nous entourent à votre petite bobine recouverte de fil d’or : la bobine qui est dans l’âme de chacune des personnes qui ont pris un billet, est plus ou moins garnie de fil d’or : il faut que l’enchanteur Mozart accroche, par ses sons magiques, le bout de ce fil ; alors le possesseur de la bobine commence à sentir : il sent pendant que se dévide le fil d’or qui est sur sa bobine ; mais aussi il n’a le sentiment que le compositeur veut mettre en lui qu’autant de temps que dure ce fil précieux : dès que le musicien peint un degré d’émotion que le spectateur n’a jamais éprouvé, crac !