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de porter. C’est par une longue suite de traitements de cette espèce que les grands seigneurs autrichiens s’attachent tout ce qui les entoure ; c’est par cette modération qu’ils font supporter et même chérir des privilèges et des manières qui les égalent presque aux têtes couronnées. La hauteur allemande n’est ridicule que dans les relations imprimées des cérémonies publiques ; observée dans la nature, l’air de bonté fait tout passer. Haydn rapportait quinze mille florins de Londres ; quelques années après, la vente des partitions de la Création et des Quatre Saisons lui valut une somme de deux mille sequins (vingt-quatre mille francs), avec laquelle il acheta le jardin et la petite maison où il loge, au faubourg de Gumpendorff, sur la route de Schœnnbrunn ; telle est sa fortune.

J’étais avec lui à cette nouvelle maison lorsqu’il reçut la lettre flatteuse que l’Institut de France lui écrivait pour lui annoncer qu’il avait été nommé associé étranger. Haydn, en la lisant, fondit en larmes tout d’un coup, et jamais il ne montra sans attendrissement cette lettre réellement pleine de cette grâce noble que nous saisissons beaucoup plus facilement que les autres nations.