Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un bel accord enchante l’oreille, un son faux la déchire ; cependant aucune de ces deux choses ne dit rien d’intellectuel à l’âme, rien que nous pussions écrire si nous en étions requis. Seulement cela lui fait peine ou plaisir. Il paraît que, de tous nos organes, l’oreille est celui qui est le plus sensible aux secousses agréables ou déplaisantes. L’odorat et le tact sont aussi très-susceptibles de plaisir ou de peine, l’œil est le plus endurci de tous ; aussi il sent très-peu le plaisir physique. Montrez un beau tableau[1] à un sot, il n’éprouvera rien de très-agréable, parce que la jouissance que donne la vue d’un beau tableau vient presque toute de l’esprit. Il ne manquera pas de préférer une enseigné bien enluminée au Jésus-Christ appelant saint Mathieu, de Louis Carrache[2]. Faites entendre, au contraire, à votre sot un bel air bien chanté, il donnera peut-être quelques signes de plaisir, tandis qu’un air mal chanté lui fera quelque peine. Allez au Musée un dimanche, vous trouverez, à un certain point de la galerie, le passage intercepté par la foule rassemblée devant un tableau, et tous les dimanches devant le même. Vous croyez que c’est un

  1. Le Mariage de sainte Catherine, du Corrége, n° 896.
  2. Musée, n° 878.