Vous qui aimez à chercher dans l’âme des artistes les causes des qualités de leurs ouvrages, vous partagerez peut-être mon idée sur Haydn. On ne peut lui refuser sans doute une imagination vaste, pleine de vigueur, créatrice au suprême degré ; mais peut-être ne fut-il pas aussi bien partagé du côté de la sensibilité ; et sans ce malheur-là plus de chant, plus d’amour, plus de musique théâtrale. Cette hilarité naturelle, cette joie caractéristique dont je vous ai parlé, ne permirent jamais à une certaine tristesse tendre d’approcher de cette âme heureuse et calme. Or, pour faire comme pour entendre de la musique dramatique, il faut pouvoir dire, avec la belle Jessica :
I am never merry when I hear sweet music.
Il faut être tendre et un peu triste pour trouver du plaisir même aux Cantatrice villane[1], ou aux Nemici generosi[2] ; c’est tout simple : si vous êtes gai, votre imagination n’a que faire d’être distraite des images qui l’occupent.
Autre raison. Pour dominer l’âme des spectateurs, l’imagination de Haydn a besoin d’agir en souveraine ; dès qu’elle