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put tenir, et rit peut-être pour la première fois de sa vie. En France, pays de la plaisanterie, celle-ci eût peut-être paru déplacée ; à Vienne, elle commença la fortune de Porpora.

De tous les morceaux comiques de Haydn il ne nous en reste qu’un : c’est cette symphonie connue, pendant laquelle tous les instruments disparaissent successivement, de façon qu’à la fin le premier violon se trouve jouer tout seul. Cette pièce singulière a fourni trois anecdotes, qui toutes sont attestées à Vienne par des témoins oculaires ; jugez de mon embarras. Les uns disent que Haydn, s’apercevant que ses innovations le faisaient voir de mauvais œil par les musiciens du prince, voulut se moquer d’eux.

Il fit jouer sa symphonie, sans répétition préliminaire, devant Son Altesse, qui avait le mot de l’énigme : l’embarras des musiciens qui croyaient tous s’être trompés, et surtout la confusion du premier violon, quand à la fin il s’entendait jouer seul, divertit la cour d’Eisenstadt.

D’autres assurent que, le prince voulant congédier tout son orchestre, à l’exception de Haydn, celui-ci trouva ce moyen ingénieux de figurer le départ général, et la tristesse qui s’ensuivrait : chaque musicien sortait de la salle à mesure que