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devine sur-le-champ le maître duquel on se moque ; on y reconnaît son style, et surtout les petites affectations et les petites erreurs dans lesquelles il est sujet à tomber.

Du temps de Charles VI, le célèbre Porpora vivait à Vienne, pauvre et sans travail : sa musique ne plaisait pas à ce monarque connaisseur, comme trop pleine de trilles et de mordenti. Hasse fit un oratario pour l’empereur, qui lui en demanda un second. Il supplia Sa Majesté de permettre que Porpora exécutât ce travail : l’empereur refusa d’abord, disant qu’il n’aimait point ce style chevrotant ; mais touché de la générosité de Hasse, il finit par consentir à sa demande. Porpora, prévenu par son ami, ne mit pas un trille dans tout l’oratorio. L’empereur étonné répétait pendant la répétition générale : « C’est un autre homme : plus de trilles ! » Mais, arrivé à la fugue qui terminait la composition sacrée, il vit que le thème commençait par quatre notes trillées. Or vous savez que dans les fugues le sujet passe d’une partie à une autre, mais ne change pas : quand l’empereur, qui avait le privilège de ne rire jamais, entendit, dans le grand plein de la fugue, ce déluge de trilles, qui semblait faire une musique de paralytiques, enragés, il n’y