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qu’en vertu d’une résolution formée au Saint Sépulcre du Carravage[1]. En musique, combien de Carravages pour un Corrége ! Mais un tableau peut avoir un grand mérite, et ne pas donner à l’œil un plaisir sensible : tels sont plusieurs ouvrages des Carraches, qui ont poussé au noir, tandis que toute musique qui ne plaît pas d’abord à l’oreille n’est pas de la musique. La science des sons est si vague, qu’on n’est sûr de rien avec eux, sinon du plaisir qu’ils donnent actuellement.

C’est en vertu de combinaisons très profondes que Haydn divise la pensée musicale ou le chant entre les divers instruments de l’orchestre ; chacun a sa part, et la part qui lui convient. Je voudrais, mon ami, que dans l’intervalle de cette lettre à la suivante vous pussiez aller à votre Conservatoire de Paris, où, dites-vous, l’on exécute si bien les symphonies de notre compositeur. Voyez, en les écoutant, si vous reconnaissez la vérité de mes rêveries ; sinon, faites-moi une guerre impitoyable ; car, ou je me serai mal exprimé, ou mes idées seront aussi réelles

  1. N° 838. Cette différence serait encore plus sensible, si je pouvais citer le Saint Georges de la galerie de Dresde. La beauté de Marie, l’expression divine de la Madeleine dans le Saint Jérôme de Paris, ne laissent pas le temps de sentir combien ce tableau est bien peint.